On the road again (ft Tomas)

Cela faisait des heures qu'elle marchait, le soleil lui tappant sur le crane, lui asséchant la gorge et lui donnant le tournis. Quand elle marchait sur le bord de cette route qui semblait interminable, Abby avant l'impression qu'on lui tembourinait le crane à coup de masse. Le temps tournait au ralentis, l'air manquait à cause de cette chaleur et pas une seule voiture ne passait. C'est à ce moment qu'elle regrettait de ne pas être restée avec sa jument dans cette maison, où elle avait accès au couvert et à la douche. Son corps en feu, elle repensa à ces gens qui lui avaient si gentiment proposé de l'héberger une nuit et qu'elle avait refusé. Surement par crainte de montrer son pouvoir. Malheureusement pour elle, ils n'avaient qu'une seule voiture, mais elle était en panne et nécessitait une pièce qui était en commande pour pouvoir rouler à nouveau. Ça aurait été tellement plus vite.
Mais non, elle leur avait expliqué qu'elle allait marcher, faire du stop jusqu'à Odessa pour revenir ensuite cherche sa jument, bien équipée pour la transporter. Et heureusement, la ville commençait à se rapprocher. Elle n'aurait pas pu continuer plusieurs heures comme ça.

Elle arriva devant une station service, et son coeur s'emballa. Elle allait enfin pouvoir remplir sa gourde qui était vide depuis un bon moment et se mettre sous un ventilateur. Alors elle pressa le pas, motivée plus que jamais à aller s'hydrater. Mais lorsqu'elle arriva devant l'enseigne, elle comprit que le sort s'acharnait sûrement sur elle car la station était fermée. Ce n'était pas du jeu, ça ne pouvait pas lui arriver à elle, à ce moment précis. Et pourtant si. Sa tête retomba en arrière et elle souffla un bon coup avant de finalement se mettre à hurler de colère en balançant un coup de pieds dans la porte qui bougea un peu en faisant un bruit monstre.

« Et merde! » Lacha-t-elle.

Elle se retourna, plaça ses mains sur ses hanches et regarda les alentours. Rien du tout. Alors elle avança et décida de s'assoir sur le petit rebord d'une borne à essence, sous le porche afin d'avoir un peu d'ombre et se reposer quelques minutes. Elle ne savait pas si elle aurait la force de repartir, mais elle allait prier pour que quelqu'un passe par cette route en allant sur Odessa. Elle n'aurait jamais imaginé que le Texas pouvait être si dur.

Traverser le Texas en voiture. Un vrai plaisir sur cette route interminable à bord de cette Ford Mustang rouge avec de la bonne musique. Il affectionne tout particulièrement le groupe Queen. Les vitres sont baissées pour profiter de l’air généra grâce à la vitesse. C’est donc les manches retroussées de sa chemise, et le bras sur le bord que Tomas roule à vives allures. C’est souvent sur ce genre de route que Tomas pense à sa vie. A son pouvoir. En réalité, Tomas aime cette solitude sur la route. Il est seul avec lui-même. Dans un coin de sa tête, il a conscience que les choses sérieuses vont commencer à Odessa. Il remonte délicatement ses lunettes de soleil qui lui tombent un peu sur le nez. D’ailleurs, c’est pour lui le moment de s’arrêter. Il roule depuis plusieurs heures. Ses jambes sont raides et bien qu’il soit en voiture, une petite marche de quatre ou cinq minutes lui paraît être une bonne idée. Tomas prévoit donc de s’arrêter à la prochaine station service qu’il croisera. Il continue tranquillement son chemin commence à apercevoir une petite station au loin. Il accélère un tout petit peu pour arriver plus vite. Il espère également boire un coup dans cette station. Il est vrai qu’une petite bière sous ce soleil ardent ne serait pas de trop. Il ralentit à l’approche de cette station et aperçoit une silhouette.

Il remarque rapidement la chevelure blonde de cette silhouette qui semble être une jeune femme. Tomas se demande comment une jeune femme a réussi à arriver jusqu’ici sans aucun moyen de locomotion ? A-t-elle marché jusque là ? Improbable vu la chaleur mais elle est bel et bien là. Il gare sa voiture non loin d’elle. A vrai dire, Tomas se méfie. Il s’imagine que c’est peut être un piège. Que des complices attendent non loin de là pour s’emparer de sa voiture et de son argent. Et que cette fille est censée l’amadouer. Après tout, nous ne sommes jamais trop prudents.
Il sort donc de sa voiture, enlève ses lunettes et l'interpelle.

« Hé toi, qu’est ce que tu fais ici ? »

Abby s'était assise sur ce rebord, fatiguée, désespérée de voir qu'elle avait marché tout ce temps et qu'elle n'arrivait toujours pas à Odessa. Elle avait posé ses bras en croix sur le haut de ses genoux, et sa tête était venue s'y fourrer comme si ça avait toujours été sa place. Là elle jura, commençait à rouspéter toute seule, et bien évidemment contre elle même. Elle savait qu'au fond, elle aurait du attendre que ces gens reçoivent la pièce de la voiture, elle aurait été hébergée durant ce temps sans problème. Mais elle était pressée, de retrouver Charlie, de commencer une nouvelle vie. Et elle s'était hâtée de partir sans prendre assez d'eau pour le voyage. Faut dire aussi qu'elle ne s'attendait pas à ce que la seule station service qui était sur son chemin soit fermée.

Au fil des secondes, elle se sentait partir, comme si le sommeil l'emportait alors que la position ne le permettait pas. Mais son cerveau se mit en alerte, interpellé par un bruit au loin. ça ressemblait à un bruit de moteur, mélangé à de la musique. Là c'était sûrement sa chance, de trouver quelqu'un qui pourrait l'emmener. Mais elle ne bougea pas. Elle se souvenait d'un homme qui avait essayé de la kidnapper lors de son voyage, un homme qui n'aimait pas les gens comme elle. Et si c'était lui qui revenait? Ou bien quelqu'un dans le même genre? Elle se méfiait, et préférait attendre que la voiture arrive et voir qui se cache derrière son volant. Ce qui ne tarda pas à arriver.

Une belle voiture rouge flamboyant s'arrêta à la station, remuant le sable présent sur le sol et envoyant un nuage de poussière s'envoler dans la direction de la blonde qui se mit à tousser. Un instant plus tard, une silhouette sorti légèrement avant qu'une voix rauque l'interpelle.

« Hé toi, qu’est ce que tu fais ici ? »

Il semblait un peu agressif et Abby n'était pas rassurée. Elle ne savait pas de quel côté il était mais se dit que malgré ça, il était la seule personne présente ici.

« Je vais à Odessa. »

Elle ne voyait pas ce qu'elle pouvait lui dire de plus, ne voulait pas lui parler de pouvoir, de spécialité, de danger. Elle souhaitait juste partir au plus vite. Si cet homme allait là bas, il la prendrait peut-être avec lui. Restait encore à savoir si elle était en sécurité ou non avec un homme pareil.

Tomas a tellement les yeux rivés sur cette jeune fille qu’il ne remarque même pas que cette station est fermée. A son grand regret. L’ombre de la station lui fait tout de même du bien. Il y a une brise légère agréable. Cette jeune fille va donc à Odessa, là où il se rend. Elle a l’air déterminée à s’y rendre se dit il. Après tout, se retrouver dans un endroit pareil, sous une chaleur pareille sans eau, sans nourriture. Il faut vraiment le vouloir. Bien sûr, Tomas sait qu’on ne sait jamais sur qui l’on tombe. Et si elle disposait elle aussi de pouvoir ? Et si elle appartenait à l’organisation BTH ? Beaucoup de questions pour une jeune femme qui semble souffrir de la chaleur. Tomas sort un paquet de cigarette de sa poche. Il en prend une et l’allume. La première bouffée est comme une délivrance. Il essaie d’arrêter mais craque parfois. La route lui a donné envie de fumer. Il se dit qu’il peut se permettre après tout ce temps. Il fixe une nouvelle fois la jeune femme et s’adresse poliment à elle.
«  Hm, Odessa… Tu veux une cigarette ? Bien que tu m’as plus l’air d’avoir besoin d’eau. J’ai de l’eau. En veux-tu ? »
Il essaie d’être rassurant. Après tout, au cas où si les choses se passent mal, cette fille souffre de la chaleur et semble fatiguée. Son esprit est  donc normalement affaibli. Il pense donc être en mesure de la manipuler. Mais c’est juste une précaution. Il n’utilise son pouvoir qu’en cas d’extrême nécessité.  De plus, elle a l’air inoffensive. Mais son expérience le pousse à rester prudent. Par ailleurs, puisqu’il pense à son pouvoir basé sur la volonté. Cette jeune femme doit avoir une sacrée volonté pour se retrouver là. Il ne résiste pas à l’envie de lui poser la question.
« Récapitulons… Tu vas à Odessa à pied. Sous une chaleur étouffante. Sans eau. C’est de la folie ou de la témérité ? Pourquoi tu t’y rends ? Tu sembles pressée d’y arriver… »
Il est important pour lui de connaître ses motivations. Vu le contexte difficile, il est compliqué de faire confiance à une inconnue. Et ce n’est pas ce joli visage qui changera quelque chose. Bien qu’il ne soit pas insensible à la beauté de cette femme. Il la trouve jolie mais il a déjà connu pareille situation, plusieurs fois même, au point de se faire avoir.

Il était grand, et semblait assez fort pour la maitriser en un instant. Abby se dit qu'elle ne se risquerait pas à le contrarier et continuait de l'analyser. Derrière ses lunettes de soleil, elle pouvait sentir son regard se poser sur elle, car il devait être entrain de faire la même chose avec elle. En même temps, elle ne pouvait que lui donner raison, une jeune fille seule, dans un lieu pareil, ça ne pouvait qu'être louche.

Rapidement, il se mit à lui proposer de l'eau, tout en tirant sur une cigarette. Il avait l'air de revivre le temps d'une latte, surement quelqu'un qui essayait désespérement de fumer sans y parvenir vraiment. Elle se rapprocha un peu, sur le point de lui demander si elle pouvait boire et il reprit.

« Récapitulons… Tu vas à Odessa à pied. Sous une chaleur étouffante. Sans eau. C’est de la folie ou de la témérité ? Pourquoi tu t’y rends ? Tu sembles pressée d’y arriver… »

Effectivement, elle était préssée d'y arriver, de recommencer de zéro, une nouvelle vie, sans toutes les choses de la vie qui lui avaient brisé le coeur auparavant. Ses parents, son pouvoir, Alaric... Tout ce qui lui faisait mal devait rester loin derrière elle et ne plus jamais resurgir. Même si son pouvoir en était la plus grande exception.

« Il y a certaines choses qu'il faut oublier pour être heureux. Et mon bonheur se trouve à Odessa. C'est tout ce qu'il y a à savoir. »

Elle n'avait pas encore assez confiance en lui pour lui dévoiler sa vie un peu plus profondément. Après tout, elle ne savait toujours pas de quel côté il était. Et comment il réagirait si son pouvoir faisait son apparition.

« Si la proposition pour l'eau tient toujours, j'en veux bien. »

« Il y a certaines choses qu'il faut oublier pour être heureux. Et mon bonheur se trouve à Odessa. C'est tout ce qu'il y a à savoir. »

Encore un mystère. Tomas penche légèrement la tête sur le côté par agacement. Un réflexe sans nul doute de sa part. Il ne faudrait pas trop la brusquer. Quelqu’un à la quête du bonheur est prêt à tout pour y parvenir. Cependant, quelqu’un à la quête du bonheur qui risque la mort pour y parvenir est un peu plus rare. Il se dirige vers sa voiture et sort une bouteille d’eau. Il s’approche d’elle pour la lui donner. Il la dépasse largement de taille. Il enlève ses lunettes et les accrochent à son haut pour mieux la regarder droit dans les yeux.

« Je vais t’y emmener, mais dis moi qui tu es. On ne sait jamais sur qui on tombe. Dis-moi juste l’essentiel, le reste ne m’intéresse pas. » Dit il d’un ton qui se veut rassurant

Il ne faut pas la brusquer. Elle est peut être déboussolée et il convient mieux d’adopter un ton rassurant avec un brin d’empathie pour tenter de la faire parler. Ne surtout pas l’oppresser, juste lui faire comprendre qu’il n’est pas quelqu’un de méchant malgré son passé. Il se méfie de moins en moins d’elle. Elle n’a pas l’air d’être chasseur de prime ou d’être accompagnée. Cela fait déjà quelques minutes qu’ils sont là, Tomas est lui aussi pressé d’arriver à Odessa. Cependant il ne connaît personne. Il sait qu’elle y va et il n’est pas contre l’idée d’un compagnon de route. Cela fera toujours une connaissance dans la ville. Ca peut être utile.

« Monte dans la voiture, nous partons. Je te laisse mettre tes affaires sur la banquette arrière. » Dit-il en se dirigeant vers sa portière.

Il connait cette façon de se protéger lorsque l'on a un lourd secret. Il sent qu'il y a un abcès à crever. Elle semble aussi méfiante que lui et ce n'est pas pour rien.

Il s'était rapproché d'elle, avait enlevé ses lunettes et la regardait tellement profondément, qu'on aurait dit qu'il cherchait à la déchiffrer. Et c'était sûrement ce qu'il se passait. Ses yeux plongés sur elle, il lui avait dit qu'il la conduirait à Odessa, mais que pour ça, elle devrait lui dire qui elle était, l'essentiel qu'il devait savoir sur elle, pas plus, car plus, il s'en fichait. D'un côté, Abby se dit que ça l'arrangeait, parce qu'elle n'avait pas envie d'en dire plus, de s'ouvrir plus, et de parler de ce qui la rendait unique.

« Je m'appelle Abby. C'est l'essentiel. »

Elle attrapa son sac qu'elle déposa sur la banquette arrière comme il lui avait dit, et regarda un instant autour d'elle. Elle avait vu ce paysage tellement longtemps, que ça lui faisait bizarre de le quitter si rapidement. Mais au moins, elle serait plus vite que prévu à Odessa, et pourrait enfin débuter sa nouvelle vie.
Elle s'assit sur la place passager et referma la porte derrière elle. Le chemin avec cet homme aurait pu lui faire peur puisqu'elle ne le connaissait pas, mais on aurait dit qu'il avait changé d'attitude envers elle. Comme s'il ne la craignait plus, comme si finalement, il la prenait pour quelqu'un de tout à fait normal qui cherchait à aller d'un point a à un point b. Lui restait un mystère, mais la route ne faisait que commencer.

« Et tu vas faire quoi à Odessa exactement? »

Après tout, pourquoi ne pas entamer la conversation? Et plus particulièrement sur lui? Peut-être que comme ça, il ne poserait plus de questions sur elle, sur qui elle était et ce qu'elle faisait seule, dans un désert pareil, sans eau ni nourriture.